Le nettoyage à sec – version 4.0
De grands sacs contenant des centaines de chemises portées et prêtes au lavage nous saluent au portail du hangar 3A au Technoport à Foetz. Ici, une start-up luxembourgeoise du nom de Klin, fondée en 2017 par les jeunes entrepreneurs Pit Zens et Antoine Hron, s’apprête à révolutionner le marché national du pressing et de la blanchisserie à travers des services de « digital first » et résolument écologiques.
Proposer des services de nettoyage à sec et de blanchisserie locaux, innovants et orientés clients à travers une offre digitale avancée, telle était l’idée de base derrière la jeune start-up. En bref, offrir une vraie valeur ajoutée à ses clients. La panoplie d’outils digitaux comprend ainsi un site internet, dont une partie réservée à la clientèle professionnelle avec des conditions particulières, et deux applications pour Smartphones. L’objectif est de non seulement proposer à sa clientèle privée et professionnelle un service de pressing à la demande et en ligne, mais aussi de le faire avec des machines de dernière génération, présentant une emprunte énergétique verte.
En se lançant sur un marché historiquement dominé par de grands players internationaux, il fallait trouver des niches pour développer ses services. « Nous avons analysé les comportements des utilisateurs de services de pressing, et le plus grand obstacle/problème mentionné, c’est la durée à investir pour s’y déplacer, attendre dans les bouchons, ensuite près du comptoir, et faire le retour en voiture. C’est un exercice répétitif et souvent hebdomadaire, qui fait perdre du temps libre. On voulait justement proposer une offre à travers laquelle le client ne doit plus se déplacer, ses affaires sont enlevées chez lui/sur son lieu de travail et ramenées également au lieu de son choix, au moment qui lui convient. » explique Pit Zens, co-fondateur et CEO de Klin. « Un autre point régulièrement soumis à critiques dans les services classiques sont les longs délais pour récupérer les affaires lavées. Nous proposons des délais beaucoup plus courts et assurons une prestation en 48 heures seulement. »
Pour concrétiser cette idée et lancer la start-up, les deux co-fondateurs ont su mobiliser dans un premier temps des investissements à hauteur de 200.000 EUR sous forme de prêt de la part de la Société Nationale de Crédit et d’Investissement (SNCI). Les jeunes chefs d’entreprise ont aussi apporté une partie du capital en fonds propres et à travers de la famille et des amis. Ce premier investissement a été quasi-exclusivement utilisé pour financer des machines à laver dernière génération, écologiques et installées dans les locaux, quelque 400 m2 occupés au Technoport. Les clients peuvent utiliser les services de Klin depuis fin 2017.
La clientèle professionnelle, une cible lucrative et ayant des spécificités comportementales poussées (temps limité pour le pressing, etc.), profite d’offres spécifiques, négociées entre Klin et la société respective. Dans ce contexte, l’enlèvement des affaires ne se fait pas à la maison, mais au lieu de travail, pour tout le personnel désireux d’en profiter. Prenons dans ce contexte l’exemple d’une société X : Klin passe deux fois par semaine, les mardis et les jeudis, pour aussi bien enlever et livrer les affaires. Un collaborateur désireux de donner des affaires au pressing le fait savoir par le site web ou l’application Smartphone, et les dépose sur un lieu centralisé dans un sac mis à disposition par Klin. Ses affaires sont alors enlevées, transportées à Foetz, où elles seront contrôlées et marquées, lavées, pliées, etc. pour ensuite être retournées à la société X, lors du prochain passage. Le client peut enfin simplement collecter ses affaires à l’endroit où il les a déposées. Le paiement se fait par carte de crédit, une fois les affaires retournées, pas besoin de cash chez Klin. Les prix pratiqués sont très compétitifs pour le marché luxembourgeois. La livraison centralisée permet par ailleurs d’économiser les courses des particuliers, en voitures individuelles, vers leur prestataire de nettoyage à sec.
À côté de la dimension digitale, c’est donc l’écologie qui se trouve au centre des préoccupations des jeunes dirigeants. Chaque décision est prise en accord avec les objectifs de diminution continue des besoins énergétiques : les machines utilisées sont de dernière génération – elles travaillent sans les produits chimiques habituels. Antoine Hron nous explique : « Traditionnellement, le nettoyage à sec, utilisé majoritairement pour les costumes des clients, fonctionne à base de produits chimiques en lieu et place de l’eau. Or, ces solvants s’avèrent être très toxiques pour l’environnement, et deuxièmement, ils sont très néfastes pour les employés devant nettoyer les résidus. Outre les problèmes respiratoires, certains solvants présentent des risques cancérigènes. C’est pourquoi, nous avons opté pour une machine de nettoyage à sec fonctionnant exclusivement avec de l’eau afin de respecter au mieux les fibres textiles, et le capital humain. L’impact écologique est donc largement moindre et le personnel n’a plus à manipuler autant de produits chimiques. »
Mais l’écologie ne s’arrête pas aux machines utilisées. Les emballages des chemises lavées sont produits avec une matière « 100 % végétale », à base de pommes de terre. « Ils sont complètement compostables » poursuit Antoine Hron. « Les sacs plastiques qu’on retrouve aujourd’hui dans les rayons des grandes surfaces contiennent quelque 40 % de matière biosourcée, l’autre partie étant du plastique classique. Or, nous voulions une solution 100 % végétale, et qui se décomposerait plus rapidement. La recherche a donc été longue, mais nous avons trouvé un fournisseur français qui peut répondre à notre demande. Depuis, nous n’utilisons que des emballages à 100 % de matière biosourcée. » Aussi, l’entreprise met à disposition du client des sacs en coton pour la récupération des affaires à traiter. Avec le souhait de pouvoir les récupérer lors du prochain passage, en vue de les réutiliser de manière circulaire. « La grande majorité des clients jouent le jeu et nous rendent nos sacs », mais « pour les costumes et manteaux, il reste encore de mauvais élèves, car les housses utilisées ne nous sont pas toujours retournées » conclut Antoine Hron avec un petit clin d’œil à cette clientèle.
Les développements écologiques ne s’arrêteront pas là. C’est une réflexion continue au sein de la start-up : Où et comment pourrait-on encore améliorer l’efficacité ? Pour la livraison des vêtements p.ex., l’entreprise est en train d’analyser le remplacement des camionnettes par une flotte 100% électrique. Toutes les machines utilisées sont « smart », adaptant donc les volumes d’eau et de détergent nécessaires au poids réel de linge dans le tambour pour la partie blanchisserie (avec de l’eau, pour des chemises ou draps p.ex.).
Les chiffres montrent que la croissance de l’entreprise est constante et soutenue. Ainsi, le chiffre d’affaires mensuel est passé de quelque 3.000 EUR au début de 2018 à 20.000 EUR mi-2018, pour avoisiner les 35.000 EUR actuellement. La zone de couverture se situe au « centre » du pays, comprenant la Ville de Luxembourg, allant jusqu’à Niederanven/Oetrange/Moutfort à l’Est, Mamer à l’Ouest, Walferdange au Nord et Esch-sur-Alzette/Dudelange au sud, en attendant les développements en volume et en chiffre d’affaires permettant de faire croître aussi bien le nombre de collaborateurs, que le nombre de camionnettes de livraison, p.ex.
Une levée de fonds en 2018 a permis, entre autres, de faire développer deux applications pour les clients privés et professionnels, disponibles depuis avril 2019 pour iOS et Android. Cette nouvelle levée démontre la confiance des investisseurs envers l’entreprise et son activité. 200.000 EUR ont ainsi pu être levées, dont une partie issue des amis et de la famille (« FFF »), et l’autre de l’investisseur privé Ralph Krips, qui est convaincu du potentiel de développement de la start-up.
L’entreprise traite actuellement dans ses ateliers quelque 7.000 pièces par mois. « Nous espérons augmenter graduellement ce volume et générer un chiffre d’affaires d’environ 50.000 EUR par mois pour la fin de l’année ou le début de l’année prochaine. » Les professionnels de l’HoReCa (surtout restaurants et maisons de retraite) sont une cible à développer dans ce contexte.
L’entreprise pourra compter sur des partenaires comme la FEDIL, la Chambre de Commerce ou encore le Luxembourg ICT Cluster. Elle a aussi reçu les labels ESR – Entreprise socialement responsable, SuperDrecksKëscht et Grüner Punkt. La start-up est par ailleurs 100 % « Made in Luxembourg ». La croissance passera aussi par l’expansion de l’offre : Klin propose depuis peu p.ex. des abonnements mensuels « Tout inclus » pour les tenues d’affaires.
Pour Klin, il ne s’agit que du début de l’histoire. Le choix de se focaliser sur l’expérience des clients, le digital et l’innovation est clairement louable et fera de cette jeune start-up un acteur de plus en plus important dans les années à venir. Elle est aujourd’hui déjà un précurseur dans l’écologie.